LEMONDE.FR
| 13.10.11 | 18h55 • Mis à jour le 14.10.11 | 14h44
Un
Palestinien quitte le camp de prisonniers Ketziot, dans le sud d'Israël, à bord
d'un camion militaire pour rejoindre la bande de Gaza avec 28 autres détenus
libérés, le 2 octobre 2007.AP/TSAFRIR ABAYOV
La
question des libérations réciproques de prisonniers a toujours été un thème central du conflit israélo-arabe. Mais
l'accord d'échange entre le caporal israélien Gilad Shalit et 1 072 détenus
palestiniens est historique à plus d'un titre.
Il
s'agit du huitième échange de prisonniers accepté par Israël depuis 1974. Mais
alors que la plupart des Israéliens capturés jusqu'ici l'avaient été au Liban, Gilad Shalit
est le premier à être détenu sur le territoire palestinien et donc
à faire l'objet d'une négociation directe entre
Israël et des groupes palestiniens ne vivant pas en exil. Jamais, par ailleurs,
un soldat israélien n'avait été gardé captif vivant aussi longtemps.
Cet
accord est en outre le plus "généreux" de l'histoire des
transactions de prisonniers entre l'Etat juif et ses voisins arabes, avec un
ratio de mille Palestiniens pour un Israélien. Il dépasse celui de 1983, qui
avait abouti en pleine guerre du Liban à la libération de 4 500 prisonniers
arabes en échange de six Israéliens.
Enfin,
jamais la capture d'un Israélien n'avait été accompagnée d'une campagne de
presse aussi intensive au niveau international. Le visage de Gilad Shalit est
aujourd'hui connu de tous. Le combat de ses parents pour faire pression sur le gouvernement israélien a
forcé l'admiration, la mobilisation médiatique et diplomatique, de Paris à New
York, n'a échappé à personne. Plus rares, par contre, sont les
médias qui se sont penchés sur le profil des Palestiniens emprisonnés en
Israël, considérés comme des héros dans leur camp, et du millier qui a servi de
monnaie d'échange.
- 5 000 prisonniers palestiniens
Le
président de l'Autorité palestinienne s'est félicité de la libération annoncée
de 1 072 Palestiniens. Mais il a aussitôt insisté sur le fait qu'il restera "dans
les prisons israéliennes 5 000" de ses compatriotes "attendus
impatiemment par leurs familles". L'organisation israélienne B'Tselem,
la seule a tenir un recensement faisant autorité concernant les
détenus palestiniens, estimait le chiffre à 5 204 en août dernier. Une ONG
palestinienne, Addameer,
en comptait 5 554 en juin. Un chiffre en forte baisse si on le compare aux
quelque 10 000 détenus pendant la première Intifada (1987-1993).
L'évolution
de la population carcérale montre que la capture de Gilad Shalit s'est soldée
par une augmentation instantanée des arrestations de Palestiniens. Le 28 juin,
deux jours après son enlèvement, Israël lance l'opération Pluie d'été,
qui se soldera par des centaines de morts et d'incarcérations. Plusieurs
dizaines de députés du Hamas seront arrêtés, dont une quinzaine sont toujours
incarcérés, selon Addameer.
Les
chiffres n'étant pas disponibles entre février et juin 2006, il est difficile
de mesurer l'impact exact de l'opération sur l'augmentation
de la population carcérale. Tout juste peut-on constater que sur un an (janvier 2006-janvier
2007), le nombre de détenus passe de 5 100 à 9 100. Quatre mille arrestations à
mettre en regard avec les 1 072 libérations
annoncées mardi.
- La détention administrative
Affrontements
entre Palestiniens et forces de l'ordre israéliennes, mardi 16 mars, à
Jérusalem-EstAFP/DAVID FURST
Sur
les 5 204 détenus recensés en août, 272 étaient en détention administrative,
incarcérés jusqu'à parfois plusieurs années sans être jugés. "Israël ne reconnaît pas aux
prisonniers palestiniens le statut de prisonniers de guerre. Dans la pratique,
des ordres militaires israéliens régissent les conditions de détention et
notamment le régime de la détention administrative, qui permet de détenir une personne durant une période qui peut atteindre six mois renouvelables, sans obligation
de jugement", explique la FIDH.
"La
détention administrative est la seule caractéristique juridique, avec la peine
de mort, qu'Israël ait conservée de l'époque du mandat britannique en
1948", souligne Frédéric Encel, spécialiste du Proche-Orient.
Elle permet à la puissance mandataire d'incarcérer tout fauteur de trouble présumé, sans
qu'aucune date soit fixée pour son procès.
- 176 mineurs en prison
Des
heurts ont éclatés à Hébron, en mars 2010, entre jeunes Palestiniens et soldats
israéliens. Les Palestiniens protestaient contre la construction de nouvelles
colonies à Jérusalem-Est.AFP/HAZEM BADER
En
août, B'Tselem recensait 176 mineurs palestiniens dans les prisons
israéliennes, dont 31 avaient moins de 16 ans. En vertu des règlements
militaires appliqués dans les territoires palestiniens, Israël a longtemps
considéré comme adulte tout individu de plus de 16 ans, et ce alors que la
Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, dont Israël est
signataire, tout comme sa propre loi nationale, fixe la majorité à 18 ans (lire le rapport
de la FIDH sur ce sujet). Face aux critiques que suscitait cette
disposition, le gouvernement israélien a fini par se mettre en conformité avec le droit international.
Un amendement du 27 septembre dernier a relevé l'âge de la majorité de 16 à 18
ans.
Les
mineurs restent en général en prison pour un temps assez bref et sans être jugés, ce qui complique leur recensement. "Il
y a beaucoup de turn over, mais le chiffre reste constant, explique
Frédéric Encel. Il s'agit souvent de délits à peine caractérisables, comme
des jets de pierre ou une participation à une manifestation. L'objectif est
évidemment de se montrer dissuasif, même si l'effet est
inverse."
- Qui sera libéré ?
Un
prisonnier palestinien libéré embrasse le sol au checkpoint de Beituniya avant
de partir pour le QG de l'Autorité palestinienne à Ramallah, le 25 août 2008.
AP/ARIEL SCHALIT
Aux
termes de l'accord conclu mardi, les 1 027 prisonniers palestiniens seront
libérés en deux phases : environ 477 seront relâchés "dans une
semaine" et les 550 autres "dans deux mois". Le
ministère de la justice israélien a précisé qu'il publierait "au plus
tard dimanche matin" sur Internet la liste nominative des Palestiniens
libérables dans le cadre de la première phase.
Tout
juste sait-on que le premier groupe comprend 27 femmes, soit la totalité des
femmes emprisonnées par Israël, selon le gouvernement.
Israël
a longtemps refusé que soient libérés des détenus ayant "du sang sur
les mains", c'est-à-dire ayant effectué ou commandité des attaques
contre l'armée ou des colons, ou des attentats contre des civils. Mais le
gouvernement de Benyamin Nétanyahou, sous la double pression de
la rue israélienne et de l'offensive de Mahmoud Abbas à l'ONU, a finalement accepté d'en libérer certains. A condition qu'ils soient
bannis de Cisjordanie.
Un
peintre réalise le portrait de Marouane Barghouti, le chef du Fatah, qui purge
depuis 2002 cinq peines de prison à perpétuité, sur le mur de séparation entre
Ramallah et Jérusalem.AFP/ABBAS MOMANI
Dans
ce premier groupe figurent ainsi 280 prisonniers condamnés à la prison à
perpétuité. 203 résidents de Cisjordanie seront ainsi expulsés, pour 163
d'entre eux vers la bande de Gaza, et pour 40 vers l'étranger. En revanche, 131
détenus de Gaza, 96 de Cisjordanie, 14 de Jérusalem-Est et 6 Arabes israéliens
pourront retrouver leur foyer. Certains des plus
importants détenus palestiniens ne figurent en revanche pas dans l'échange. En
particulier Marouane Barghouti, un des dirigeants de la deuxième Intifada, qui
purge cinq peines de prison à perpétuité, et Ahmad Saadat, secrétaire général du Front
populaire de libération de la Palestine (FPLP).
Soren Seelow
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